
Kallax. C'est le meuble que j'ai le plus vu lors de mes missions d'home organiser. IKEA est partout et uniformise nos intérieurs. Tout le monde est d'accord avec ce postulat. Pourtant, tout le monde achète du IKEA. À tel point, qu'aujourd'hui le défi pour certains n'est plus de se meubler convenablement, mais plutôt d'essayer d'éviter les meubles en kit. Mais le faut-il réellement ?
C'est en écoutant la chronique "le monde chez soi" du Journal de la philo sur France Culture que j'ai découvert le livre de Samuel Doux, Désir d'IKEA, le bonheur en pièces détachées. Voilà de quoi alimenter ma réflexion de home organiser sur l'aménagement intérieur. Pourquoi achetons-nous chez IKEA tout en culpabilisant ? Faut-il vraiment l'éviter ? Voici quelques éléments de réponse.
Aller chez IKEA : un doux sentiment de culpabilité
S'il n'invite pas à boycotter IKEA, Samuel Doux nous donne toutes les raisons de le faire. L'auteur est parti d'un constat : à chaque fois qu'il se rend chez IKEA (et dieu sait qu'il adore ça) il éprouve un sentiment de culpabilité. Ce plaisir coupable s'expliquerait par notre participation inconsciente à un système totalitaire. "IKEA bien plus qu'un marchand de meuble", serait en réalité une énorme machine à broyer notre identité, notre héritage, pour mieux envahir nos espaces de vie et diffuser une propagande du bonheur sous forme de meubles en kit. Nous ne serions que des clients infantilisés lorsque nous suivons le parcours fléché dans le magasin, aveuglés par la croyance qu'un beau meuble fera de nous de belles personnes et privés de notre histoire lorsque nous remplaçons nos vieilles cocottes "made in France" héritées de nos grands-mères par de nouvelles poêles anti-adhésives. Pour Samuel Doux, le passé nazi d'Ingvar Kamprad, le fondateur d'IKEA, aurait influencé sa façon de bâtir son empire. Je ne rentrerai pas dans les détails de l'analyse des rouages fascistes de l'entreprise. Je pense que Samuel Doux, au départ scénariste et réalisateur, s'est beaucoup amusé à imaginer une dystopie un brin paranoïaque révélant plutôt sa fascination pour la marque plutôt qu'une critique nuancée. Et je l'avoue, IKEA me fascine aussi.
IKEA, le lieu de nos fantasmes d'intérieurs
En lisant l'essai original de Samuel Doux, j'ai compris pourquoi j'aimais aller chez IKEA. Il compare le magasin à un parc d'attraction de la vie domestique. L'idée me plait. Effectivement, j'aime déambuler dans ces reconstitutions d'intérieurs, jouer à faire comme si j'étais chez moi, tester l'ergonomie des meubles, admirer l'ingénuosité des aménagements. Tous ces rangements, tous ces tiroirs qui glissent parfaitement bien.. Quel bonheur ! On y est : IKEA nous donne l'impression de régler tous nos problèmes d'intérieur (et les autres qui en découlent). La marque nous promet un quotidien simplifié, allégé qui nous menera au bonheur. Finalement c'est aussi ce que promet le home organising. Les achats de meubles en moins. Pour être honnête, je partage la vision d'IKEA, cette volonté de rendre le beau accessible à tous, cette croyance que le bonheur réside dans la façon d'apprécier le quotidien chez soi. Evidemment, je retrouve dans ces valeurs, certains aspects de ma culture suédoise : l'esprit pragmatique, l'adéquation du beau et du fonctionnel, l'importance d'un foyer chaleureux, etc. Mais là où je ne partage pas (toujours) l'avis d'IKEA, c'est la façon de parvenir au bonheur chez soi.
Du bon usage d'IKEA
Certaines personnes chassent leur spleen en faisant un tour chez IKEA. D'autres y vont même sans projet d'achat juste pour le plaisir de vivre l'expérience utilisateur. N'est-ce pas génial d'avoir fait le pari de transformer un magasin de meuble en énorme parc d'attraction ? On peut critiquer les méthodes managériales de l'enseigne suédoise, rappeler les scandales des employés mis sur écoute, la déforestation en Roumanie, les tartes contaminées aux bactéries fécales... Qu'importe tout cela, IKEA opère toujours la même irrésistible attraction. Est-ce mal ? Non, je ne le pense pas. Soyons honnête et reconnaissons que même si IKEA n'est pas l'idéal, il est parfois difficile de s'en passer. Le tout est de ne pas être dupe et de bien choisir ce qu'on y achète. Dans son catalogue 2019, IKEA vante à la fois les mérites du minimalisme et ceux du maximalisme, une façon de prôner tout et son contraire pour s'adresser à différentes cibles... Intérieur n°3, p.72 : "Plus il y en a, mieux c'est". La home organiser que je suis secoue la tête. Evidemment, le marchand de meuble veut vous vendre des tas de solutions de rangement pour que vous puissiez tout garder et éviter de faire un choix. Fausse bonne idée. Un placard en plus ne règlera pas vos problèmes de dressing. Bien au contraire. Le désordre ne se range pas, il s'élimine.
La seule chose qui puisse vous aider à vous sentir bien chez vous, à faciliter votre quotidien, c'est de déterminer ce qui est essentiel pour vous, revoir vos habitudes de consommation et trier, éliminer. C'est un long chemin parsemé de doutes, de remises en questions, de réflexions. Un chemin bien plus difficile d'accès que celui qui mène au magasin IKEA. Car il faut prendre le temps de voir les choses en face, au sens propre comme au figuré. Le home organising peut vous aider dans cette démarche. Et c'est seulement après avoir désencombré et réfléchi à ce dont vous avez besoin, que vous pouvez parfaire votre organisation avec certains éléments IKEA, qui, il faut l'admettre sont parfois très pratiques.