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Le ménage, une méditation en mouvement


En Place - A Monk's Guide to a Clean House and Mind

Les moines bouddhistes japonais consacrent une bonne partie de leurs journées à faire le ménage. Shoukei Matsumoto, qui officie dans un temple à Tokyo, a publié en 2011 A Monk's Guide to a Clean House and Mind. Cet adorable petit livre décrit les rituels domestiques des moines et leurs bienfaits spirituels. Le ménage serait une forme de méditation en mouvement qui apaiserait l'esprit. Et vous, délègueriez-vous votre pratique de la méditation à des titres-services ?

 

"We sweep dust to remove our worldly desires. We scrub dirt to free ourselves of attachments. The time we spend carefully cleaning out every nook and cranny of the temple grounds is extremely fulfilling. We live simply and take time to contemplate the self, mindfully living each moment. It's not just monks who need to live this way. Everyone in today's busy world needs to do it".

Shoukei Matsumoto (A Monk's Guide to a Clean House and Mind)

Pour Matsumoto, pas besoin de se convertir à une religion pour adhérer à certains de ses principes. Son manuel publié en 2011, la même année que la Magie du rangement de Marie Kondo, s'est rapidement inscrit dans la lignée des ouvrages de développement personnel au travers de l'habitat. Au départ Matsumoto voulait aider les jeunes moines dans la gestion quotidienne des temples. Il a finalement décidé de partager avec le plus grand nombre un aspect de la philosophie bouddhiste qui peut résonner de manière universelle : nous avons tous besoin d'entretenir les lieux dans lesquels nous vivons. Cette tâche aussi basique et quotidienne soit-elle, a un sens et des bienfaits.

Le ménage, une perte de temps ?

"Tu viens quand tu veux faire le ménage chez moi". Voilà la petite réplique à laquelle j'ai droit quand je parle de mon affection pour les tâches domestiques. Je trouve toujours cette phrase un peu condescendante. Car pour beaucoup, le ménage représente une tâche rébarbative, inintéressante, inutile, voire ingrate, qu'on délègue aux autres. "Je préfère faire autre chose de mon temps", disent certains. Refuser de faire le ménage, c'est pour moi rater une occasion d'être connecté à soi et au monde. Tant que je peux me le permettre, je tiens à faire cette tâche moi-même. Lorsque je nettoie, je ne pense à rien d'autre qu'à ce que je suis en train de faire. Je me sens ancrée là où je vis, en prise avec la réalité, ma réalité. D'autant que lorsqu'on possède peu de choses, qu'elles sont bien rangées, le ménage devient un jeu d'enfants.

Prendre soin d'un tout

Dans le bouddhisme, on ne sépare pas l'individu de son environnement. L'homme n'existe qu'à travers sa relation aux autres, à la nature et aux objets, ces deux derniers étant aussi dotés d'une conscience. Balayer devant sa porte les feuilles mortes, dépoussiérer les lampes, nettoyer les fenêtres pour voir les choses en face... sont autant d'activités qui rythment la journée d'un moine bouddhiste japonais. Prendre soin de son environnement est une façon d'exprimer son respect pour ce grand tout qui nous entoure et auquel nous appartenons. Une manière de mettre à distance son ego, d'accepter qu'il y a d'autre chose que soi, d'autre chose plus important que nos petites frustrations quotidiennes. Prendre soin de sa maison, de ses objets, c'est aussi apprendre à ressentir de la gratitude pour ce que nous possédons. Se sentir reconnaissant, chanceux, content, d'avoir un toit qui nous protège. Un toit, à manger et de l'amour. De quoi d'autre avons-nous besoin ?

Ecouter la voix des objets (si, si les objets nous parlent)

Matsumoto souligne à plusieurs reprises dans son livre l'importance de posséder peu de choses. Il cite en exemple Ippen Shonin, un moine japonais qui mena une vie de pèlerin itinérant dont la pratique religieuse reposait sur la renonciation à la propriété, le célibat et la pauvreté matérielle : "by not being anchored down by wordly possessions, his mind was able to adhere true fredom". Si le bouddhisme prône une forme de minimalisme, il ne déconsidère par pour autant les objets. Le peu qu'on possède doit être de bonne qualité, si possible artisanale et surtout...avoir une place. Les moines paraît-il, entendraient même la voix des objets leur réclamant de retourner à leur place après leur utilisation...


Même si nous ne sommes pas des moines bouddhistes, leurs rituels, leur façon d'être dans le présent et d'habiter un lieu sont une belle source d'inspiration. Pour moi, il est important de redonner un sens aux tâches domestiques et d'y trouver même une forme de beauté et de poésie. Se déposséder des choses, entretenir avec soin et chérir le peu que l'on a décidé de garder, c'est aussi l'idée que j'essaie de transmettre durant mes missions de home organising.

 

Autres livres sur le même thème :

- Faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi. Et si faire le ménage était une thérapie ?, Dominique Loreau, 2011

- La maison zen, Keisuke Matsumoto, 2017

Shoukei Matsumoto, le moine du futur

Keisuke Matsumoto, né en 1979, se présente plus volontiers sous son nom bouddiste Shoukei. Ce moine bouddhiste shin (une des formes de bouddhisme japonais) officie au temple Komoji à Tokyo. Sa particularité ? En plus de sa formation littéraire et religieuse à l'Université de Tokyo, il a accompli en Inde un MBA (Master of Business Administration), le diplôme du plus haut niveau en matière de gestion d'entreprise. Avec la volonté de construire un bouddhisme plus moderne, il a créé le premier temple bouddiste virtuel, higan.net.


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